Deux légendes de bushi Ryushin
La Montagne Bleue est un mont fantastique plein de légendes. Lorsque l’on se poste sur les remparts de Kyuden Ryushin, on peut observer ses contreforts atteignant le village à l’extrême nord des terres. Depuis ce point de vue on peut apercevoir les maisons grimpant le long du flanc de la montagne.
La chose la plus incroyable à propos de cette montagne est sa couleur. J’ai pu voir la neige des Ryushin, la neige des Saru, l’eau, la glace, les flocons tombant en hiver dans tout l’Empire… Mais jamais n’ai-je pu voir un bleu aussi pur.
C’est un profond dégradé qui tombe du ciel, les ombres sont outremer et les clairs sont de turquoise. Le pic se confond avec le ciel lorsque le temps est clair.
L’enseignement dispensé aux bushi du clan du dragon est assez distant de celui des fusui. A tel point que nous avons nos propres légendes sur ces dragons qu’elles manipulent, dont elles ont le pouvoir. Je ne saurai peut-être jamais si ces légendes sont vraies ou si elles résultent d’une étrange conjonction entre l’ignorance des bushi et le folklore de cette région…
On raconte que le dragon de l’eau dort là-bas. Qu’il a surgit des profondeurs de la mer et est venu se lover sur les terres Ryushin. Le chemin qu’il emprunta peut être vu les rares fois où il pleut. L’arc-en-ciel est un phénomène rare de par chez nous car il pleut bien moins souvent qu’il ne neige.
Il vint se reposer sur la neige. Là les hivers passèrent et pour se cacher des hommes, il alla demander au dragon de la terre de lui construire une montagne sous laquelle se réfugier.
Le dragon de la terre le fit mais l’averti que rien ne pouvait cacher la nature des dragons, pas même l’ouvrage d’un autre. Et en effet on peut savoir qu’il est présent, endormi sous les glaciers, car ces bleus ne se trouvent nulle part ailleurs.
On dit aussi que le dragon de l’air et de l’eau se sont accouplés et que c’est de cette union qu’est née cette montagne.
Le Mizunoryuu avait pour habitude de partir du nord et de sauter jusqu’au sud du Soleil Rouge, arrosant ainsi les terres pour les garder fertiles. Chaque Dragon avait ainsi son propre rôle qu’il accomplissait sans vraiment y prêter attention. A cette époque l’île entière était verdoyante et au nord comme au sud, depuis les plaines jusqu’aux montagnes, pas un flocon n’était jamais tombé.
Or il se trouve que chaque fois qu’il bondissait pour rejoindre l’autre côté de l’île, Mizunoryuu était déporté, balloté par des vents violents. D’abord il ne s’en soucia pas. L’eau est souvent d’un calme plat et même si elle est aisément troublée elle n’est que rarement agitée. De la même manière, il fallut longtemps avant que le Mizunoryuu ne s’irrite de ces bourrasques.
Le Kazenoryuu, lui, était comme un jeune enfant. Insouciant, insaisissable, frivole. Il s’était mis en tête d’embêter le Mizunoryuu comme les petits garçons qui tirent les cheveux des filles pour attirer leur attention plus que pour les prendre pour victime. Il allait laisser tomber ce jeu infantile lorsqu’un jour Mizunoryuu arriva aux portes de son palais. La turbulence de l’atmosphère ce jour l’avait fait tomber au sol. Il était sale, couvert de poussière qui s’accrochait aux longs cheveux du dragon. L’humidité et la terre mêlées formaient des plaques de boue sur ses joues, ses kimonos…
C’en était trop et alors que le Kazenoryuu se moquait ouvertement de lui, Mizunoryuu s’oublia et déversa son ire sur le dragon du vent.
Le combat fit rage pendant plusieurs jours et plusieurs nuits au-dessus des montagnes du nord. Les tourbillons de vent refroidirent tellement l’eau du Mizunoryuu que les gouttelettes se transformèrent en flocons de neige, qui tombèrent et bientôt recouvrirent tout le nord des terres.
Peu à peu la danse meurtrière se fit plus lente, ils fatiguaient. Ils tentèrent alors d’impressionner l’autre par leurs gestes plutôt que de se détruire. La danse devint artistique.
La neige continua de tomber. Tant et tant que la terre gela au nord, au grand dam du dragon de la terre.
La danse continua. Elle devint charmeuse, tentatrice, car ils n’avaient pu s’impressionner l’un l’autre. Dans les entrelacs d’écailles et de pattes griffues, l’accouplement donna naissance à une montagne gelée bleue comme l’eau profonde et glacée comme le blizzard que souffle le dragon de l’air.
C’est ainsi que l’entente entre les deux dragons revint et que la montagne bleue naquit.
Et grâce à eux, nos terres sont toujours recouvertes de neige, du blanc pur et immaculé que l’on ne voit nulle part ailleurs qu’au nord.
(Note : Mizunoryuu = Dragon de l'eau, Kazenoryuu = dragon de l'air littéralement)